lundi 11 novembre 2013

La règlementation dans les manifestations

Mai 2013

Avoir la permission de frapper
    Durant le « printemps érable », il a été question de droits de scolarité, de marchandisation de l’éducation, de budget provincial et de valeurs de société. Ce n’était que de cela que parlait les grands médias. Puis, dans les mois de l’été et de l’automne, le débat s’est enflammé et a pris une autre direction. Lorsque la répression a frappé les manifestant(e)s à coup de matraque et de gaz lacrymogènes, il est devenu question de droits fondamentaux, de liberté d’expression et de censure, questions qui se posent peu dans le Québec d’aujourd’hui. Dans un état où chacun a droit à son opinion, la violence avec laquelle on a tu cette révolte a choqué. Nombre de règlements et de lois ont été créées et appliquées en peu de temps, pour tenter de contrôler ce réveil citoyen. Avec la célèbre loi 12 (projet de loi 78),  le règlement municipal P-6, et le très semblable C-309 au fédéral, en plus des lois déjà existantes au code criminel, le droit de manifester se voit maintenant brimé d’après plusieurs acteurs et actrices de la société. Pourtant, d’après le gouvernement en place, la police et certainEs expertEs, ces règlements ont leur place et pourront empêcher les manifestations, quelle qu’en soit leur cause, de tourner au vinaigre. L’effet de foule/groupe est un phénomène observable, et il est vrai que sans aucun contrôle, les manifestations peuvent devenir violentes et dangereuses. Pourtant, est-ce avec la violence et la menace d’emprisonnement que l’autorité devrait contrôler? Peut-on vraiment faire confiance au jugement objectif dont sont supposés faire preuve les policierEs?

Quand le pouvoir de la rue a fait peur aux politiciens
    "Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes" a dit Rosa Luxembourg5. En effet, avant que les manifestations deviennent choses courantes et populaires au Québec et au Canada, peu de gens s'attardaient aux règlements qui les entouraient. Quelques fois par année, des parades, marches et festivités avaient lieu, la plupart du temps sans grand besoin d'intervention policière. Ce n'est que lorsque les manifestations ont commencé à déranger, à bousculer, ou à contester le gouvernement qu'il a semblé prioritaire de les freiner. À Vancouver, les émeutes causées par la finale de la Coupe Stanley, puis les évènements de la crise étudiante au Québec ont été la cause de la création de la loi C-309 au parlement canadien4. Déposé en octobre 2011, le projet de loi ne gagna que de plus en plus de popularité avec le temps. Au Québec toutefois, un projet de loi semblable, le projet de loi 78, en eu beaucoup moins. En effet, le gouvernement libéral de Jean Charest tenta, de manière rapide, de faire passer cette loi qui permettrait aux policierEs d'empêcher et d'arrêter la plupart des manifestations étudiantes. Cette loi oblige une manifestation de plus de 50 personnes à remettre un itinéraire de parcours aux policierEs huit heures à l'avance, empêche les manifestations d'avoir lieu à moins de cinquante mètres des bâtiments scolaires et permet aux policierEs de distribuer des amendes variant entre 1000 et 5000 dollars, pour des centaines de raisons différentes. De plus, ce sont les organisateur(trice)s et les gens qui encouragent ces manifestations qui sont le plus sévèrement punis, et ce très personnellement³. En même temps, un règlement empêchant le port de masque dans les manifestations est créé à la ville de Montréal.
Ceux qui s’en mêlent
Toutes ces lois ont évidemment été proposées par les gouvernements en place, autant au fédéral qu'au provincial. Le gouvernement libéral de Jean Charest a tout fait pour tenter d'étouffer la contestation. Après des  mois d'échecs, et la démission de la ministre de l'éducation, il n'y a plus rien à faire sauf tuer le mouvement par le poids de la loi. L'opposition officielle, le Parti québécois, s'est rangé du côté des étudiantEs, a soutenu le mouvement pendant quelques mois et a réussi à se faire élire, en promettant d'abolir la hausse des frais de scolarité et la loi 12. Le seul parti ayant vraiment soutenu le mouvement pourtant, qui a invité les citoyenNEs à désobéir à la "loi matraque de Charest", est Québec Solidaire. La plupart des professeurEs et personnes du milieu étudiant, syndical et juridique s'opposent aux lois répressives imposées en 2011-2012, les trouvant soit illégitimes, soit inutiles et mal rédigées. Plusieurs groupes, d'içi ou à d'ailleurs, dénoncent cette loi. Le collectif opposé à la brutalité policière, le groupe Amnistie générale, le Barreau du Québec et Amnistie Internationale ne sont que quelques exemples de grands groupes qui ont publiquement annoncé leur opposition à la loi 12.

Le gouvernement en place : Le grand et puissant PLQ
    Le projet de loi 78 fut adopté le 18 mai 2012 à l'Assemblée nationale, à 68 voix contre 48. Selon Raymond Bachand, qui était ministre des finances au moment de l'adoption, cette loi a comme mission de rétablir l'ordre dans la province, et plus encore de défendre les "victimes de la grève".  Le gouvernement ne s'oppose en rien aux marches, parades et festivals, mais il ne croit pas acceptable d'empêcher les individus de circuler comme bon leur semble dans leur ville.  Beaucoup de citoyenNEs ont été dérangés dans leur vie quotidienne par les nombreuses manifestations du printemps, même s’ils n’étaient pas visés directement par les manifestations. De plus, les commerçantEs et résidentEs des rues fréquemment empruntées dans les manifestations ont vu leur horaire quotidien drôlement modifié par le bruit des casseroles et les éternels slogans criés jusqu'à tard dans la nuit. Il ne faut pas non plus oublier le dommage matériel fait par les casseurEs, les vols, les graffitis et le dégât général laissé par une foule qui passe. Avant le recours à une nouvelle loi, le gouvernement de Jean Charest a tenté par plusieurs moyens de calmer ce qu'on appelle maintenant le "Printemps érable". À coup de publicités gouvernementales, de menaces, de désinformation, il essaye de calmer l'expansion soudaine du mouvement. Il dépêche ses soldats, le SPVM, l'équipe anti-émeute ainsi que le Sureté du Québec, pour faire peur, et éloigner les moins dédiéEs à la cause. En tout, le mouvement aura un bilan de plus de 3000 personnes arrêtées entre février et septembre 2012. Mais la police n'effraie pas tout le monde, et les plus entêtéEs répondent en descendant encore plus souvent dans la rue pour crier à l'injustice. Une loi spéciale est alors apportée d'urgence à l'Assemblée, débattue une nuit entière, et réussie à passer, après avoir été amendée par la CAQ (Coalition Avenir Québec). Le gouvernement a d'abord tenté d'obtenir l'appui du grand public par des publicités, des communiqués fréquents et des sondages (dont on a souvent remis en question la méthodologie). Charest voulait garder sa légitimité, qui semblait être remise en cause à plusieurs reprises dans les derniers mois. Comme cela arrive souvent vers la fin d'un mandat électoral, le premier ministre perdait en popularité auprès des citoyenNEs. Avec le conflit étudiant, non seulement il perdit de l'autorité, mais en plus, les jeunes qui n'étaient pas d'âge encore à s'intéresser à la politique y ont été introduit en détestant le parti libéral. Ce fut le début de l'A.I.D.E.S, ou l'Association Indépendante des Étudiants du Secondaire. Lorsque les stratégies empruntées par le gouvernement échouèrent publiquement, c'est avec la force que le premier ministre décida d'agir. Il utilisa ce qu'il a toujours eu de plus que les manifestantEs; le pouvoir. Ce pouvoir que les électeur(trice)s du Québec lui avait donné 4 ans auparavant, il le prit, il fit passer des lois et les appliqua jusqu'à ce qu'aucune manifestation ne puisse durer plus de 15 minutes.

Le carré rouge… et orange
    Québec Solidaire, parti de gauche, indépendantiste, écologique et féministe, se positionne bien évidemment contre cette loi 12. Les porte-paroles du parti se sont toujours positionnéEs pour le droit de manifester, celui de s'exprimer et de désobéir. Comme l'ancien porte-parole Amir Khadir l'a expliqué dans son entrevue à La Presse, les citoyenNEs ont la liberté de choisir de désobéir civilement à une loi lorsqu'il/elles la trouvent illégitime, et que ce droit ne peut être enlevé. C'est de cette manière que la société progresse, lorsque l'on s'oppose aux injustices et qu'on fait évoluer la société pour le mieux. Ayant été présent aux côtés des manifestantEs tout au long de la crise, Québec Solidaire voulait être la voix des étudiantEs, pour exprimer leurs opinions dans les grands médias, puisque ceux-ci détournaient souvent les propos des étudiantEs.6 Il faut tout de même prendre en compte les circonstances de campagne électorale du printemps et de l'été. Québec Solidaire a utilisé cette crise pour faire valoir son parti comme le seul voulant vraiment la gratuité scolaire, l'abolition de cette loi matraque et un changement social profond. En critiquant chaque geste et parole du parti libéral, QS a pu gagner bon nombre de sympathisantEs et se faire connaître auprès des jeunes électeur(trice)s. De grands contingents de membres avec d'immenses pancartes orange furent aperçues dans presque toutes les manifestations. Les deux porte-paroles étaient aussi souvent présentEs, au milieu du troupeau, au niveau du peuple, parlant avec tous ceux qui les abordaient. Bref, en passant comme un parti innovateur, formé pour et par le peuple, Québec Solidaire a bien profité de la crise sociale qui a secoué le Québec. Plus récemment, le parti a aussi demandé une commission d'enquête sur les actions de la police durant ce temps.

Les profs contre la hausse
    Les profs contre la hausse sont un regroupement de professeurEs de niveau post-secondaire qui se sont publiquement opposéEs à la hausse des frais se scolarité. En août 2012, ces enseignantEs ont diffusé un "manifeste pour la protection de la démocratie et du droit de protestation étudiants", qui explique la position tordue et inconfortable dans laquelle se retrouve les professeurs à cause de cette loi. Les 2000 signataires s'expriment comme suit :
"Nous refusons de contribuer à la fabrication d'un monde marqué par la guerre de tous contre tous, la logique marchande, la surveillance mutuelle, la délation, l'autocensure, la peur. Nous refusons que le respect du contrat conclu entre un établissement d'enseignement et unE étudiantE serve à légitimer la violence que l'État exerce à l'endroit des droits collectifs de nature politique - droits de s'associer, d'exprimer librement sont opinion, de décider collectivement, de faire grève, de manifester."
En matière de hausse des frais de scolarité et de grève, ce sont certainement les enseignantEs qui sont le mieux placéEs pour exprimer une opinion solide et intelligente. Ils/Elles ont vécu ces mois de grève et de tensions avec les étudiantEs. Selon eux, il est injuste et inacceptable de placer les étudiantEs, les professeurEs et les employéEs des établissements scolaires les uns contre les autres. De plus, d'empêcher le personnel enseignant de respecter le droit de grève des étudiantEs sous peine de sanctions est de choisir une position politique pour eux, de les rendre esclaves de l'État, et non pas travailleurs. Pour les signataires de ce manifeste, ainsi que pour tous les autres qui l'appuient, cette loi est illégitime et inconstitutionnelle, et c'est pourquoi elle ne sera pas respectée par ceux-ci. Cette loi va à l'encontre de ce qu'ils/elles veulent représenter en tant qu'enseignantEs, et ils/elles ne veulent pas transmettre ce message à leurs étudiantEs.  Il est important de préciser que ce manifeste ne prétend pas que la voix des professseurEs vaut plus que celle des étudiantEs ou des syndicats. Il ajoute encore plus de bruit, et il unit tous les enseignantEs, qui avant dénonçaient chacun avec le poids moins puissant d'une seule voix. En choisissant de s’unir, les profs contre la hausse ont pu se faire entendre, se faire voir dans les manifestations et ont même fait des entrevues pour les grands médias. Avec un blog riche en informations, des membres qualifiés et une organisation méticuleuse, ils/elles ont permis d'aider le mouvement étudiant à continuer son ascension.

Moment de gloire
    Le Collectif opposé à la brutalité policière tient une manifestation en mars de chaque année. Évidemment, cette journée tourne toujours au chaos, puisqu'avant même le début de la manifestation, les deux camps, police et manifestantEs, sont en opposition. Durant le printemps, le COBP s'est fait connaître des citoyenNEs, puisque sa raison d’être fut toujours de les défendre contre les abus physiques ou psychologiques et des policierEs. Lorsque les arrestations de masse ont commencé, que la violence s'est fait sentir, le COBP a tout fait pour faire connaître sa cause. Opposé dès son tout début à la loi 12, le COBP dénonce le gouvernement libéral et l'utilisation qu'il fait de la police pour tuer le mouvement étudiant par cette loi. Voici ce qu'a dit un sympathisant du collectif au journal Le Devoir: « La police de Québec a arrêté 176 personnes le 23 mai, même si 'la manifestation s'est déroulée dans le calme'. Le contexte politique (un gouvernement libéral voulant casser le mouvement) semble donc avoir influencé la répression policière, indépendamment des formes de manifestations. »¹ Il ajoute aussi que ce sont toujours les manifestations de l'extrême gauche qui se font le plus durement réprimées, comme la manifestation anti-brutalité, celle de la journée anticapitaliste et celle contre le Grand Prix. Selon les représentantEs du COBP, l'opposition dure et ferme à ce genre de loi sera toujours la seule solution, puisqu'ils/elles croient que jamais ni le gouvernement ni le SPVM n'avouera ses torts. Une commission d'enquête publique sur l'ensemble des opérations policières est la plus grande priorité pour l'instant, puisque la structure interne du système policier québécois est pourrit de l'intérieur. Un jeu d'intérêt personnel total, il faut défaire les morceaux et examiner de proche, selon Francis Dupuis-Déri. Le COBP n'a pas perdu en popularité depuis le retour en classe. Toujours bien connu et écouté par les vétéranEs de la grève de 2005, 2007 et 2012, il continue d'alimenter son blog, d'organiser des manifestations, d'appeler à la méfiance et à la dénonciation des abus policiers. Il tente aussi de récolter les témoignages de personnes arrêtées qui serviront à enrichir l'enquête de déontologie policière.

     La crise sociale ayant secouée le Québec entre 2011 et 2013 aura fait coulé beaucoup d'encre, aura fait teinter beaucoup de casseroles et réveillé beaucoup d'esprits endormis. Elle aura occupé les journaux, les tribunaux et les rues pendant plus d'un an. La progression exponentielle du mouvement a probablement contribué à la perte de contrôle, et aux abus, des deux côtés. Évidemment, un côté a beaucoup plus de pouvoir que l'autre. Chacun des acteurs mentionnés dans ce texte a un point de vue personnel sur le débat, des intérêts et une force d'agir différente. Jean Charest aura tout fait pour freiner cette crise qui a détruit sa réputation, puis sa carrière politique. Le PLQ a, par tous les moyens envisageables, essayé d'imposer cette hausse des frais de scolarité, mais il aura perdu en bout de compte. Les autres acteurs mentionnés, eux, auront tirés profit de ce printemps mouvementé, par une forte médiatisation et donc ont réussit à se faire connaître. Tous auront tout de même pu faire valoir leurs arguments, et repartir un débat social qui semblait peu vivant ces dernières années. Cet éveil politique d'une jeunesse qu'on traitait de paresseuse, d'ingrate et de peu impliquée aura surprise la société québécoise. Je me suis surprise moi-même. Il ne faut toutefois pas léguer ce débat aux souvenirs du passé et en être nostalgique, ce serait ternir notre propre travail. Peu importe par quel moyen, il faut continuer de douter et de remettre en question les intentions politiques et policières des hauts placés du Québec et du Canada. Cette commission d'enquête se doit d'aboutir et de réussir, au nom de la justice et de tous ceux qui furent abusés et arrêtés. Alors qu'une opinion réaliste serait qu'il y a peu de chance que le système policier redevienne transparent, je crois qu'il faut tout faire pour que cette institution se sépare entièrement et de manière permanente du jeu des intérêts politiques. Comme je l'entendais si souvent demander dans les manifestations, "qui nous protègera contre la police?"

LA POST-MODERNITÉ DANS LE GRAND CAHIER

Par Gabrielle Gareau
Travail présenté à monsieur François Dufour
Cours FRA-102, Littérature et imaginaire, groupe3
Cégep de Saint-Laurent - Le 3 septembre 2012



    Avec son roman Le grand cahier, Agota Kristof s’inscrit dans le style de la post-modernité en abordant le thème de la quête d’identité. La deuxième guerre mondiale, atrocement violente, amène chez chacun un instinct de protection, de survie qui s’étend d’un bout à l’autre des villes et villages. À cause de cette peur partagée par tous, chacun veut s’endurcir, se protéger. Les citoyens s’exilent dans leurs demeures, le sentiment de confiance entre voisins se perd, tous sont méfiants. Chacun reste chez soi et lentement, l’instinct de survie, presque animal, fait surface. Par exemple, la grand-mère refuse de se laver, d’aider, ou simplement d’accueillir ses petits-fils. Pour s’abriter, la voisine feint d’être aveugle et sourde. Les exercices des jumeaux sont leur technique personnelle d’endurcissement mental comme physique, pour devenir insensibles face à l’horreur à laquelle ils sont témoins. «Nous ne voulons plus rougir ni trembler, nous voulons nous habituer aux injures, aux mots qui blessent.» (p.26) Donc, par l’atrocité de la guerre, et par le besoin de s’endurcir que vivent les personnages, ils finissent tous terriblement solitaires. Chacun des personnages, de Bec-de-Lièvre aux jumeaux, sont laissés à eux-mêmes. Seul face à la violence s’acharnant sur le pays, chaque individu se voit développer des comportements peu communs pour affronter leur solitude. Dès le début lorsque les jumeaux arrive chez leur grand-mère, qui est la plus seule de tous, ce climat d’individualisme et d’égoïsme est ressenti. Cette solitude, vécu par chaque personnage d’une façon différente mais bien intense, est perceptible tout au long du roman. Bec-de-lièvre, elle, vit sa solitude en développant une sexualité maladive: «Il n’y a que les bêtes qui m’aiment.»(p.40) Dans la situation horrible et inhumaine qu’est la guerre, les personnages de ce récit cherchent à se protéger eux-mêmes ce qui résulte en la solitude totale de chacun.