mardi 10 décembre 2013

À quoi pensez-vous?

Reconnu pour ses discours interminables, ses commentaires remplis de termes incompréhensibles et son incapacité à synthétiser, le philosophe fait partie des personnages peu appréciés de la société. Sur le banc avec le politicien et le banquier, il accumule les critiques des autres travailleurs regroupés.

 Le terme «philosophe», du grec «philo», intimité, amour, connaissance de quelque chose, et «sophia», sagesse, fut inventé par Platon. En s'opposant aux sophistes, qui prétendent enseigner la sagesse par l'art du discours et de la persuasion, Platon suppose que c'est la quête perpétuelle de la connaissance et de l'amélioration de soi qui est la définition d'un être sage. Aujourd'hui, celui qui fait de la connaissance et du questionnement son but premier ne récolte certainement plus le même respect qu'au temps de Platon.

Le philosophe a une opinion fondée sur tous les sujets, de l'animal de compagnie à la raison de l'existence.

lundi 11 novembre 2013

La règlementation dans les manifestations

Mai 2013

Avoir la permission de frapper
    Durant le « printemps érable », il a été question de droits de scolarité, de marchandisation de l’éducation, de budget provincial et de valeurs de société. Ce n’était que de cela que parlait les grands médias. Puis, dans les mois de l’été et de l’automne, le débat s’est enflammé et a pris une autre direction. Lorsque la répression a frappé les manifestant(e)s à coup de matraque et de gaz lacrymogènes, il est devenu question de droits fondamentaux, de liberté d’expression et de censure, questions qui se posent peu dans le Québec d’aujourd’hui. Dans un état où chacun a droit à son opinion, la violence avec laquelle on a tu cette révolte a choqué. Nombre de règlements et de lois ont été créées et appliquées en peu de temps, pour tenter de contrôler ce réveil citoyen. Avec la célèbre loi 12 (projet de loi 78),  le règlement municipal P-6, et le très semblable C-309 au fédéral, en plus des lois déjà existantes au code criminel, le droit de manifester se voit maintenant brimé d’après plusieurs acteurs et actrices de la société. Pourtant, d’après le gouvernement en place, la police et certainEs expertEs, ces règlements ont leur place et pourront empêcher les manifestations, quelle qu’en soit leur cause, de tourner au vinaigre. L’effet de foule/groupe est un phénomène observable, et il est vrai que sans aucun contrôle, les manifestations peuvent devenir violentes et dangereuses. Pourtant, est-ce avec la violence et la menace d’emprisonnement que l’autorité devrait contrôler? Peut-on vraiment faire confiance au jugement objectif dont sont supposés faire preuve les policierEs?

Quand le pouvoir de la rue a fait peur aux politiciens
    "Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes" a dit Rosa Luxembourg5. En effet, avant que les manifestations deviennent choses courantes et populaires au Québec et au Canada, peu de gens s'attardaient aux règlements qui les entouraient. Quelques fois par année, des parades, marches et festivités avaient lieu, la plupart du temps sans grand besoin d'intervention policière. Ce n'est que lorsque les manifestations ont commencé à déranger, à bousculer, ou à contester le gouvernement qu'il a semblé prioritaire de les freiner. À Vancouver, les émeutes causées par la finale de la Coupe Stanley, puis les évènements de la crise étudiante au Québec ont été la cause de la création de la loi C-309 au parlement canadien4. Déposé en octobre 2011, le projet de loi ne gagna que de plus en plus de popularité avec le temps. Au Québec toutefois, un projet de loi semblable, le projet de loi 78, en eu beaucoup moins. En effet, le gouvernement libéral de Jean Charest tenta, de manière rapide, de faire passer cette loi qui permettrait aux policierEs d'empêcher et d'arrêter la plupart des manifestations étudiantes. Cette loi oblige une manifestation de plus de 50 personnes à remettre un itinéraire de parcours aux policierEs huit heures à l'avance, empêche les manifestations d'avoir lieu à moins de cinquante mètres des bâtiments scolaires et permet aux policierEs de distribuer des amendes variant entre 1000 et 5000 dollars, pour des centaines de raisons différentes. De plus, ce sont les organisateur(trice)s et les gens qui encouragent ces manifestations qui sont le plus sévèrement punis, et ce très personnellement³. En même temps, un règlement empêchant le port de masque dans les manifestations est créé à la ville de Montréal.
Ceux qui s’en mêlent
Toutes ces lois ont évidemment été proposées par les gouvernements en place, autant au fédéral qu'au provincial. Le gouvernement libéral de Jean Charest a tout fait pour tenter d'étouffer la contestation. Après des  mois d'échecs, et la démission de la ministre de l'éducation, il n'y a plus rien à faire sauf tuer le mouvement par le poids de la loi. L'opposition officielle, le Parti québécois, s'est rangé du côté des étudiantEs, a soutenu le mouvement pendant quelques mois et a réussi à se faire élire, en promettant d'abolir la hausse des frais de scolarité et la loi 12. Le seul parti ayant vraiment soutenu le mouvement pourtant, qui a invité les citoyenNEs à désobéir à la "loi matraque de Charest", est Québec Solidaire. La plupart des professeurEs et personnes du milieu étudiant, syndical et juridique s'opposent aux lois répressives imposées en 2011-2012, les trouvant soit illégitimes, soit inutiles et mal rédigées. Plusieurs groupes, d'içi ou à d'ailleurs, dénoncent cette loi. Le collectif opposé à la brutalité policière, le groupe Amnistie générale, le Barreau du Québec et Amnistie Internationale ne sont que quelques exemples de grands groupes qui ont publiquement annoncé leur opposition à la loi 12.

Le gouvernement en place : Le grand et puissant PLQ
    Le projet de loi 78 fut adopté le 18 mai 2012 à l'Assemblée nationale, à 68 voix contre 48. Selon Raymond Bachand, qui était ministre des finances au moment de l'adoption, cette loi a comme mission de rétablir l'ordre dans la province, et plus encore de défendre les "victimes de la grève".  Le gouvernement ne s'oppose en rien aux marches, parades et festivals, mais il ne croit pas acceptable d'empêcher les individus de circuler comme bon leur semble dans leur ville.  Beaucoup de citoyenNEs ont été dérangés dans leur vie quotidienne par les nombreuses manifestations du printemps, même s’ils n’étaient pas visés directement par les manifestations. De plus, les commerçantEs et résidentEs des rues fréquemment empruntées dans les manifestations ont vu leur horaire quotidien drôlement modifié par le bruit des casseroles et les éternels slogans criés jusqu'à tard dans la nuit. Il ne faut pas non plus oublier le dommage matériel fait par les casseurEs, les vols, les graffitis et le dégât général laissé par une foule qui passe. Avant le recours à une nouvelle loi, le gouvernement de Jean Charest a tenté par plusieurs moyens de calmer ce qu'on appelle maintenant le "Printemps érable". À coup de publicités gouvernementales, de menaces, de désinformation, il essaye de calmer l'expansion soudaine du mouvement. Il dépêche ses soldats, le SPVM, l'équipe anti-émeute ainsi que le Sureté du Québec, pour faire peur, et éloigner les moins dédiéEs à la cause. En tout, le mouvement aura un bilan de plus de 3000 personnes arrêtées entre février et septembre 2012. Mais la police n'effraie pas tout le monde, et les plus entêtéEs répondent en descendant encore plus souvent dans la rue pour crier à l'injustice. Une loi spéciale est alors apportée d'urgence à l'Assemblée, débattue une nuit entière, et réussie à passer, après avoir été amendée par la CAQ (Coalition Avenir Québec). Le gouvernement a d'abord tenté d'obtenir l'appui du grand public par des publicités, des communiqués fréquents et des sondages (dont on a souvent remis en question la méthodologie). Charest voulait garder sa légitimité, qui semblait être remise en cause à plusieurs reprises dans les derniers mois. Comme cela arrive souvent vers la fin d'un mandat électoral, le premier ministre perdait en popularité auprès des citoyenNEs. Avec le conflit étudiant, non seulement il perdit de l'autorité, mais en plus, les jeunes qui n'étaient pas d'âge encore à s'intéresser à la politique y ont été introduit en détestant le parti libéral. Ce fut le début de l'A.I.D.E.S, ou l'Association Indépendante des Étudiants du Secondaire. Lorsque les stratégies empruntées par le gouvernement échouèrent publiquement, c'est avec la force que le premier ministre décida d'agir. Il utilisa ce qu'il a toujours eu de plus que les manifestantEs; le pouvoir. Ce pouvoir que les électeur(trice)s du Québec lui avait donné 4 ans auparavant, il le prit, il fit passer des lois et les appliqua jusqu'à ce qu'aucune manifestation ne puisse durer plus de 15 minutes.

Le carré rouge… et orange
    Québec Solidaire, parti de gauche, indépendantiste, écologique et féministe, se positionne bien évidemment contre cette loi 12. Les porte-paroles du parti se sont toujours positionnéEs pour le droit de manifester, celui de s'exprimer et de désobéir. Comme l'ancien porte-parole Amir Khadir l'a expliqué dans son entrevue à La Presse, les citoyenNEs ont la liberté de choisir de désobéir civilement à une loi lorsqu'il/elles la trouvent illégitime, et que ce droit ne peut être enlevé. C'est de cette manière que la société progresse, lorsque l'on s'oppose aux injustices et qu'on fait évoluer la société pour le mieux. Ayant été présent aux côtés des manifestantEs tout au long de la crise, Québec Solidaire voulait être la voix des étudiantEs, pour exprimer leurs opinions dans les grands médias, puisque ceux-ci détournaient souvent les propos des étudiantEs.6 Il faut tout de même prendre en compte les circonstances de campagne électorale du printemps et de l'été. Québec Solidaire a utilisé cette crise pour faire valoir son parti comme le seul voulant vraiment la gratuité scolaire, l'abolition de cette loi matraque et un changement social profond. En critiquant chaque geste et parole du parti libéral, QS a pu gagner bon nombre de sympathisantEs et se faire connaître auprès des jeunes électeur(trice)s. De grands contingents de membres avec d'immenses pancartes orange furent aperçues dans presque toutes les manifestations. Les deux porte-paroles étaient aussi souvent présentEs, au milieu du troupeau, au niveau du peuple, parlant avec tous ceux qui les abordaient. Bref, en passant comme un parti innovateur, formé pour et par le peuple, Québec Solidaire a bien profité de la crise sociale qui a secoué le Québec. Plus récemment, le parti a aussi demandé une commission d'enquête sur les actions de la police durant ce temps.

Les profs contre la hausse
    Les profs contre la hausse sont un regroupement de professeurEs de niveau post-secondaire qui se sont publiquement opposéEs à la hausse des frais se scolarité. En août 2012, ces enseignantEs ont diffusé un "manifeste pour la protection de la démocratie et du droit de protestation étudiants", qui explique la position tordue et inconfortable dans laquelle se retrouve les professeurs à cause de cette loi. Les 2000 signataires s'expriment comme suit :
"Nous refusons de contribuer à la fabrication d'un monde marqué par la guerre de tous contre tous, la logique marchande, la surveillance mutuelle, la délation, l'autocensure, la peur. Nous refusons que le respect du contrat conclu entre un établissement d'enseignement et unE étudiantE serve à légitimer la violence que l'État exerce à l'endroit des droits collectifs de nature politique - droits de s'associer, d'exprimer librement sont opinion, de décider collectivement, de faire grève, de manifester."
En matière de hausse des frais de scolarité et de grève, ce sont certainement les enseignantEs qui sont le mieux placéEs pour exprimer une opinion solide et intelligente. Ils/Elles ont vécu ces mois de grève et de tensions avec les étudiantEs. Selon eux, il est injuste et inacceptable de placer les étudiantEs, les professeurEs et les employéEs des établissements scolaires les uns contre les autres. De plus, d'empêcher le personnel enseignant de respecter le droit de grève des étudiantEs sous peine de sanctions est de choisir une position politique pour eux, de les rendre esclaves de l'État, et non pas travailleurs. Pour les signataires de ce manifeste, ainsi que pour tous les autres qui l'appuient, cette loi est illégitime et inconstitutionnelle, et c'est pourquoi elle ne sera pas respectée par ceux-ci. Cette loi va à l'encontre de ce qu'ils/elles veulent représenter en tant qu'enseignantEs, et ils/elles ne veulent pas transmettre ce message à leurs étudiantEs.  Il est important de préciser que ce manifeste ne prétend pas que la voix des professseurEs vaut plus que celle des étudiantEs ou des syndicats. Il ajoute encore plus de bruit, et il unit tous les enseignantEs, qui avant dénonçaient chacun avec le poids moins puissant d'une seule voix. En choisissant de s’unir, les profs contre la hausse ont pu se faire entendre, se faire voir dans les manifestations et ont même fait des entrevues pour les grands médias. Avec un blog riche en informations, des membres qualifiés et une organisation méticuleuse, ils/elles ont permis d'aider le mouvement étudiant à continuer son ascension.

Moment de gloire
    Le Collectif opposé à la brutalité policière tient une manifestation en mars de chaque année. Évidemment, cette journée tourne toujours au chaos, puisqu'avant même le début de la manifestation, les deux camps, police et manifestantEs, sont en opposition. Durant le printemps, le COBP s'est fait connaître des citoyenNEs, puisque sa raison d’être fut toujours de les défendre contre les abus physiques ou psychologiques et des policierEs. Lorsque les arrestations de masse ont commencé, que la violence s'est fait sentir, le COBP a tout fait pour faire connaître sa cause. Opposé dès son tout début à la loi 12, le COBP dénonce le gouvernement libéral et l'utilisation qu'il fait de la police pour tuer le mouvement étudiant par cette loi. Voici ce qu'a dit un sympathisant du collectif au journal Le Devoir: « La police de Québec a arrêté 176 personnes le 23 mai, même si 'la manifestation s'est déroulée dans le calme'. Le contexte politique (un gouvernement libéral voulant casser le mouvement) semble donc avoir influencé la répression policière, indépendamment des formes de manifestations. »¹ Il ajoute aussi que ce sont toujours les manifestations de l'extrême gauche qui se font le plus durement réprimées, comme la manifestation anti-brutalité, celle de la journée anticapitaliste et celle contre le Grand Prix. Selon les représentantEs du COBP, l'opposition dure et ferme à ce genre de loi sera toujours la seule solution, puisqu'ils/elles croient que jamais ni le gouvernement ni le SPVM n'avouera ses torts. Une commission d'enquête publique sur l'ensemble des opérations policières est la plus grande priorité pour l'instant, puisque la structure interne du système policier québécois est pourrit de l'intérieur. Un jeu d'intérêt personnel total, il faut défaire les morceaux et examiner de proche, selon Francis Dupuis-Déri. Le COBP n'a pas perdu en popularité depuis le retour en classe. Toujours bien connu et écouté par les vétéranEs de la grève de 2005, 2007 et 2012, il continue d'alimenter son blog, d'organiser des manifestations, d'appeler à la méfiance et à la dénonciation des abus policiers. Il tente aussi de récolter les témoignages de personnes arrêtées qui serviront à enrichir l'enquête de déontologie policière.

     La crise sociale ayant secouée le Québec entre 2011 et 2013 aura fait coulé beaucoup d'encre, aura fait teinter beaucoup de casseroles et réveillé beaucoup d'esprits endormis. Elle aura occupé les journaux, les tribunaux et les rues pendant plus d'un an. La progression exponentielle du mouvement a probablement contribué à la perte de contrôle, et aux abus, des deux côtés. Évidemment, un côté a beaucoup plus de pouvoir que l'autre. Chacun des acteurs mentionnés dans ce texte a un point de vue personnel sur le débat, des intérêts et une force d'agir différente. Jean Charest aura tout fait pour freiner cette crise qui a détruit sa réputation, puis sa carrière politique. Le PLQ a, par tous les moyens envisageables, essayé d'imposer cette hausse des frais de scolarité, mais il aura perdu en bout de compte. Les autres acteurs mentionnés, eux, auront tirés profit de ce printemps mouvementé, par une forte médiatisation et donc ont réussit à se faire connaître. Tous auront tout de même pu faire valoir leurs arguments, et repartir un débat social qui semblait peu vivant ces dernières années. Cet éveil politique d'une jeunesse qu'on traitait de paresseuse, d'ingrate et de peu impliquée aura surprise la société québécoise. Je me suis surprise moi-même. Il ne faut toutefois pas léguer ce débat aux souvenirs du passé et en être nostalgique, ce serait ternir notre propre travail. Peu importe par quel moyen, il faut continuer de douter et de remettre en question les intentions politiques et policières des hauts placés du Québec et du Canada. Cette commission d'enquête se doit d'aboutir et de réussir, au nom de la justice et de tous ceux qui furent abusés et arrêtés. Alors qu'une opinion réaliste serait qu'il y a peu de chance que le système policier redevienne transparent, je crois qu'il faut tout faire pour que cette institution se sépare entièrement et de manière permanente du jeu des intérêts politiques. Comme je l'entendais si souvent demander dans les manifestations, "qui nous protègera contre la police?"

LA POST-MODERNITÉ DANS LE GRAND CAHIER

Par Gabrielle Gareau
Travail présenté à monsieur François Dufour
Cours FRA-102, Littérature et imaginaire, groupe3
Cégep de Saint-Laurent - Le 3 septembre 2012



    Avec son roman Le grand cahier, Agota Kristof s’inscrit dans le style de la post-modernité en abordant le thème de la quête d’identité. La deuxième guerre mondiale, atrocement violente, amène chez chacun un instinct de protection, de survie qui s’étend d’un bout à l’autre des villes et villages. À cause de cette peur partagée par tous, chacun veut s’endurcir, se protéger. Les citoyens s’exilent dans leurs demeures, le sentiment de confiance entre voisins se perd, tous sont méfiants. Chacun reste chez soi et lentement, l’instinct de survie, presque animal, fait surface. Par exemple, la grand-mère refuse de se laver, d’aider, ou simplement d’accueillir ses petits-fils. Pour s’abriter, la voisine feint d’être aveugle et sourde. Les exercices des jumeaux sont leur technique personnelle d’endurcissement mental comme physique, pour devenir insensibles face à l’horreur à laquelle ils sont témoins. «Nous ne voulons plus rougir ni trembler, nous voulons nous habituer aux injures, aux mots qui blessent.» (p.26) Donc, par l’atrocité de la guerre, et par le besoin de s’endurcir que vivent les personnages, ils finissent tous terriblement solitaires. Chacun des personnages, de Bec-de-Lièvre aux jumeaux, sont laissés à eux-mêmes. Seul face à la violence s’acharnant sur le pays, chaque individu se voit développer des comportements peu communs pour affronter leur solitude. Dès le début lorsque les jumeaux arrive chez leur grand-mère, qui est la plus seule de tous, ce climat d’individualisme et d’égoïsme est ressenti. Cette solitude, vécu par chaque personnage d’une façon différente mais bien intense, est perceptible tout au long du roman. Bec-de-lièvre, elle, vit sa solitude en développant une sexualité maladive: «Il n’y a que les bêtes qui m’aiment.»(p.40) Dans la situation horrible et inhumaine qu’est la guerre, les personnages de ce récit cherchent à se protéger eux-mêmes ce qui résulte en la solitude totale de chacun.

lundi 20 mai 2013

Analyse d'un conflit éthique - Les lieux d'injection supervisés


La guerre contre la drogue dure depuis sa découverte. Dès l'apparition d'une nouvelle substance, l'Homme l'abuse d'abord, puis la rend illégale, pour ensuite dépenser argent et énergie pour la détruire. Les drogues injectables, surtout l'héroïne, sont responsables pour beaucoup de problèmes dans la ville de Montréal. Les consommateurs doivent-ils être considérés comme criminels ou comme victimes de cette dépendance trop souvent hors de leur contrôle. Voyons l'enjeu des piqueries légales plus en profondeur d'abord, puis nous l'analyserons selon deux points de vue opposés: celui d'Immanuel Kant et celui de John Stuart Mill. 

La mise en place d'un lieu d'injection supervisé (LIS) à Montréal tarde depuis le début des années 2000. Les discussions, débats et analyses entre acteurs concernés ont lieu sans cesse, pourtant aucun de ces sites existent encore dans la métropole. La controverse autour de ce genre de mise en place est importante, et c'est pourquoi les gens du milieu de la santé sont en constante opposition avec les politiciens, policiers et autres. Le problème central? Les conséquences que pourraient apporter l'ouverture des LIS. Évidemment, ils permettraient la diminution des surdoses, de la violence, des maladies tel le VIH/SIDA et l'hépatite C. Ces sites aideraient aussi à entraver le réseau de trafiquants, ainsi qu'à réduire la criminalité, la prostitution et la pauvreté liés à la dépendance. Toutefois, certains argumentent que les conséquences néfastes de l'implantation de ces sites sont plus importantes que ses avantages. Les LIS risquent d'attirer plus de consommateurs dans les quartiers où ils se trouvent, puisque dans ces secteurs, il est plus difficile pour la police de reconnaître ceux qui utilisent dans les LIS, et ceux qui sont illégaux. Les opposants aux LIS ajoutent aussi que l'implantation de ces sites risque de rendre l'arrestation des revendeurs beaucoup plus difficile, en plus d'envoyer un message comme quoi la société appuie les drogués. Bref, la controverse tourne autour de l'opposition entre les gens qui veulent empêcher les abus liés aux drogues injectables, et ceux qui croient que les lieux d'injection supervisés ne sont pas la solution aux problèmes de drogue. Cet enjeu est d'ordre éthique puisqu'il concerne un débat de valeurs, qui essaye de déterminer ce qui est bien et ce qui est mal. Il est question de valeurs personnelles, face à plusieurs sujets qui font souvent naître de forts débats, tels la consommation et la vente/distribution de drogue, la pauvreté, la prostitution et la criminalité. Il s'agit de déterminer, en société, quelles valeurs sont partagés par la plus grande majorité des gens. C'est pourquoi cet enjeu est aussi politique, puisqu'il concerne un choix de société. Les notions de légalité et de légitimité sont remises en question, puisqu'en permettant légalement la consommation de drogue, on brise des lois bâties depuis longtemps. La philosophie politique étudie les conditions de possibilité de l'État et de ses structures fondamentales, donc de ses lois et ses institutions. 

Immanuel Kant voit la moralité d'une manière plus définie que la grande majorité des penseurs. Il s'agit d'un domaine géré par la Raison, faculté première permettant l'expérience humaine. Selon lui, l'Homme n'a qu'à suivre sa raison pour savoir ce qui est bien, ce qui ne paraît que bien, et ce qui est mal. La moralité d'une action ne dépend que des intentions qui la motivent. Pour savoir si une action est morale avant de la poser, il faut se fier aux devoirs, qui sont classés en deux catégories: les devoirs stricts et les larges. Les devoirs stricts concernent la maîtrise de soi et la justice envers autrui, donc ne pas se suicider et ne pas blesser autrui, par exemple. Les devoirs larges font référence au respect positif de soi-même et des autres, comme le développement de ses talents et être généreux envers quelqu'un de moins fortuné que soi. Pour le penseur rationaliste, il faut toujours agir en fonction des devoirs, et donc agir de telle sorte que chacun puisse vouloir que sa maxime devienne une loi universelle. Avant de poser une action dont on doute de la moralité, il faut se demander: si cette action devenait loi universelle, serait-ce un espace viable pour l'humanité? Selon Kant, pour agir de manière complètement libre, il faut agir par devoir. En suivant sa bonne volonté, et son sens du devoir, il est possible d'éviter de devenir prisonnier d'autres contraintes peu fiables, telles les émotions et les intérêts. 

D'un autre côté, John Stuart Mill, lui, considère le domaine de la moralité un sujet à gérer avec la sensibilité. La capacité des humains à ressentir le plaisir et le déplaisir serait ce qui déterminerait le mieux ce qui est bien, versus ce qui est mal. Alors que Kant détermine la moralité en dehors des cas particuliers, et en fait quelque chose de catégorique, Mill se base sur des impératifs hypothétiques, relatifs aux situations. Il explique que la moralité d'une action ne dépend que de ses conséquences, et donc de l'utilité de l'acte. Il définit donc le fondement de la morale comme étant la recherche du plus grand bonheur total et général. Ceci veut dire qu'une action peut être évalué selon plusieurs critères de calcul du plaisir; la durée, l'intensité, la fécondité, l'étendue, la pureté, la proximité et la certitude, qui détermineront de sa moralité. En évaluant la qualité du plaisir par ces critères, il est possible de déterminer l'utilité de l'action, par la qualité du plaisir qu'elle rapportera. 

La création de lieux d'injection supervisés sont une initiative appuyée surtout par les agences de santé, les regroupements médicaux et certains associations relatives à la toxicomanie. Il serait normal de croire que ce sont les personnes les mieux placées pour déterminer si les LIS sont plus nocifs que profitables pour un peuple. Pourtant, plusieurs autres acteurs croient pertinents de faire valoir leur opinion. Les policiers et les groupes de citoyens partagent généralement le même avis, celui du "pas-dans-ma-cour". Ils ne sont pas opposés à l'idée, et certains y sont même ouvert, mais pas si le LIS risque d'être implanté dans leur quartier. Les politiciens varient dans leur position, dépendant de leur parti respectif. Les partis en opposition auront des avis contraires sur tous les débats, pour des raisons trop souvent partisanes. La question des piqueries et de leur implantation sera, ou non, un sujet chaud dépendant du parti au pouvoir qui trouve la question de la drogue primordiale ou non.  Les acteurs du monde médical, on l'espère, ont comme priorité d'abord la santé de la société et sa sécurité mentale et physique. Il faut donc se demander si les autres acteurs ont cette même motivation, ou si leurs intérêts sont plutôt ailleurs. Pour Kant, l'implantation de piqueries serait un acte jugé immoral. Il faut appliquer l'impératif catégorique qui suppose qu'en cas de questionnement sur l'immoralité d'un acte il faut se demander si cette action, lorsque maximisée, risquerait d'entrainer la destruction de l'humanité. Kant est définitif dans son jugement de la moralité, et ne se penche pas sur chacun des cas particuliers. En évaluant seulement l'intention de cette action, et ne pesant aucunement les conséquences dans le calcul, ce genre de lieux est immoral: il est là pour que les drogués se piquent. Même s'il permet par la suite d'autres bonnes choses, sa fonction première est d'aider la consommation de drogue. Donc, pour Kant, ceci entraînerait la destruction de l'humanité et ne serait simplement pas une décision rationnelle à prendre pour une société. Pour Mill, c'est d'une toute autre manière qu'il faut voir ce conflit de devoirs. Lorsque l'on considère les conséquences d'une action, alors les piqueriez deviennent une solution intéressante au problème de la drogue. Ces LIS permettraient de diminuer le nombre de drogués infectés du VIH/SIDA et de l'hépatite C, d'entraver le réseau de trafiquants, ainsi que fournir de l'aide sociale aux pauvres et aux prostitués. Lorsqu'on analyse cette question controversé d'un point de vue utilitariste, ces piqueries deviennent alors un moyen de profiter à beaucoup de personnes qui en ont besoin. En calculant le plaisir (içi, on parle de l'aide donnée) qui proviendrait de ces services, on obtient une possibilité de bonheur général plus étendue que sans. Bien sur, il faut considérer le déplaisir que ces lieux provoqueraient pour les policiers,  ceux qui font leur argent en vendant de la drogue et ceux qui habitent le quartier. En faisant cette équation, on réalise que sauver des vies en évitant des infections mortelles ainsi que des surdose, est plus important que l'inconfort occasionné chez les citoyens, policiers et revendeurs. 

Selon moi, même si la philosophie de Kant est généralement très solide, dans ce cas-ci, Mill répond mieux au dilemme. N'ayant pas de position personnelle sur la question des piqueries légales, je trouve tout de même que Mill permet de justifier le raisonnement d'une manière spécifique au cas particulier étudié, au lieu de seulement appliquer des règles générales comme le fait Kant. Comportant autant d'avantages importants que de désavantages, ce sujet en reste un très controversé, pour les gens de gauche comme de droite. La philosophie morale de John Stuart Mill évalue selon les conséquences et l'utilité, et c'est pourquoi dans ce cas-ci, elle s'applique mieux. Les raisons qui nous pousseraient à bâtir ce genre de lieux sont évidentes, et c'est plutôt les répercussions qui nous inquiètent dans ce cas. Lorsque Kant s'arrête aux intentions, le questionnement semble trop court et incomplet. Avec une analyse de Mill, il est possible de continuer de se questionner sur les limites de la moralité de la situation, et cela permettrait de poursuivre le débat, de le résoudre et même de continuer d'utiliser la théorie du bonheur total et général pendant l'élaboration d'un plan de construction d'un LIS. 




SOURCES CONSULTÉES:

MYLES, Brian. Feu vert aux piqueries d'État, [En Ligne], http://www.ledevoir.com/non-classe/13081/feu-vert-aux-piqueries-d-etat (page consultée le 25 avril 2013)

ROCHE, Kelly. Injection sites a junkie's dream, [En Ligne], http://www.ottawasun.com/2012/04/12/injection-sites-a-junkies-dream (page consultée le 25 avril 2013)

ASSOCIATION DES RÉSIDENTS DU QUARTIER DE LA SANTÉ DE MONTRÉAL. [En Ligne ],http://www.arqsm.ca/Viedequartier/Salledesnouvelles/Projetdesitedinjectionsupervise.aspx (page consultée le 20 avril 2013)

CENTRE QUÉBÉCOIS DE LUTTE AUX DÉPENDANCES. L'héroïne, [En Ligne], http://www.cqld.ca/livre/fr/qc/13-heroine.htm (page consultée le 20 avril 2013)

VOIR. Des piqueries légales à Montréal? L'heure H, [En Ligne], http://voir.ca/societe/1999/03/11/des-piqueries-legales-a-montreal-lheure-h/ (page consultée le 25 avril 2013)


avril 2013

Analyse du "Léviathan" de Thomas Hobbes


Peut-on agir de manière rationnelle sans agir en fonction de ses intérêts individuels? 

Hobbes l'explique dans la troisième prémisse de l'argument étudié : "[…] il n'existe aucun moyen pour un homme de se mettre en sécurité aussi raisonnable que d'anticiper, c'est-à-dire de se rendre maître, par la force ou la ruse de la personne du plus grand nombre possibles d'hommes, […]"1 Il explique par cette argumentation que l'homme qui agit de manière charitable ou bienveillante envers un autre agit automatiquement de manière irrationnelle, puisque cet autre homme ne fera pas nécessairement ce même sacrifice en retour. Il ne faut donc se fier à aucun autre homme pour assurer que ses besoins soient comblés. Pouvant être utilisée comme un renforcement à la troisième, la deuxième prémisse donne une explication à celle-ci: Les ressources limitées dont les hommes se servent et leurs besoins et désirs communs les obligent à devenir ennemi dès qu'ils partagent un intérêt. Alors, il est évident que chaque homme utilisant sa raison doit toujours agir en fonction de ses intérêts individuels s'il désire devancer un autre homme ou simplement assurer sa sécurité.

Agir rationnellement en fonction de ses intérêts individuels, pour assouvir ses besoins et passions, se traduirait dans le dilemme du prisonnier par des aveux et une trahison des deux sujets. Pourtant, dans l'allégorie, on voit bien que c'est la coopération entre hommes qui permet d'obtenir la sentence la moins longue. Lorsqu'un homme comprend ce qu'est le dilemme du prisonnier, il devient alors possible de voir la rationalité dans la coopération. Agir de manière à satisfaire ses besoins individuels dans le but d'obtenir la meilleure solution pour soi-même, c'est rationnel. Mais lorsque, pour un instant, la satisfaction personnelle est mise de côté pour voir l'intérêt d'un groupe, on peut voir une solution encore plus profitable. Un homme, agissant de manière raisonnable, posera toutes ses actions dans le but de s'avantager, ou de se protéger lui-même. Donc, si la plus grande satisfaction vient d'une coopération, c'est cette action qui est la plus rationnelle. 

Prenons un exemple très représentatif de notre société actuelle. Un homme désire utiliser les transports en commun pour se déplacer quotidiennement. Comme le démontre le budget total de 1,3 milliard de dollars de la Société des Transports de Montréal en 2012 2, ces services publics coûtent très cher à financer. Cette facture est séparée entre les gouvernements, la Ville, ainsi que tous les utilisateurs (contribution de 46% envers le budget). Pour combler ce besoin individuel en ayant accès au transport, il faut payer un certain montant par mois. En payant uniquement pour son utilisation personnelle au système de transport, l'Homme agit de manière à satisfaire ses propres intérêts. Un partage des coûts, et des frais égaux pour tous les utilisateurs serait donc considéré comme une action qui va à l'encontre des intérêts individuels de chacun. Pourtant, en agissant de telle manière pour la collectivité, les revenus sont plus stables, le service donc meilleur et, à la longue, moins dispendieux à entretenir. Si payer plus mensuellement s'oppose aux intérêts personnels immédiats, c'est en fait plus rentable pour le bien-être et la sécurité à long terme de la collectivité que d'abandonner une partie de son confort personnel. 

1. HOBBES, Thomas. Leviathan
2. RADIO-CANADA. La CAM encore plus cher en 2013. http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2012/10/26/011-cam-hausse-part-usager.shtml


mars 2013

lundi 28 janvier 2013

école de la rue - 22 mars 2012

"La liberté, ça ne se demande pas, ça se lève, et ça se prend!"


Je me sens toute petite, toute faible
qu'une parcelle d'un tout
Mais je me sens partie intégrante de ce tout,
partie essentielle, puissante, nécessaire et présente.
Je me sens grande, capable de tout
Rien n'est trop grand.
J'ai le monde à mes pieds, car le temps,
il n'en manquera jamais
Le temps est là, devant moi,
avec le changement et le courage.
Ils sont là, ils n'attendent que moi,
que je les guide et que je leur dicte le chemin.
Une parmi des centaines de milliers, une
parmi tant d'autres.
Une seule, mais certainement pas seule
dans ses pensées,
car il est certain que tellement d'autres pensent comme moi,
à ce moment même.
Ils se disent qu'ils peuvent changer le monde,
qu'ils sont capables de tout.
Et ils ont raison.